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Sur les relations entre les parents lors de séparation...

Dernière mise à jour : 16 juil.

... dans le cas où l'un des 2 parents est paranoïaque


22 février 2017


Cette brève est la suite de la précédente, portant sur les relations entre le parent paranoïaque et ses enfants, aussi je ne reviendrai pas ici sur le descriptif et les processus généraux que j’y ai décrits au sujet de la pathologie paranoïaque.

Il s’agira ici d’approfondir les conséquences de la paranoïa sur le parent protecteur de l’enfant, les risques encourus par ce dernier et l’enfant lui-même, notamment en cas de désaccord sur la garde de l’enfant.

Les cas de séparation/divorce : haut risque

Les situations de séparation/divorce avec un paranoïaque sont à haut risque pour le conjoint, et pour l’enfant issu de l’ancienne union, s’il y en a.

Le conjoint, surtout s’il est l’auteur de la séparation, est catalogué par le paranoïaque dans la catégorie des « persécuteurs ».

Rappelons que la paranoïa fonctionne sur un mode projectif, c’est-à-dire que le paranoïaque inverse tout : il est coupable mais l’autre est désigné coupable, il est persécuteur mais l’autre est désigné persécuteur, il est dangereux mais l’autre conjoint est désigné comme dangereux.

Dans les cas de séparation/divorce, ceci est très flagrant, d’autant que le paranoïaque peut mettre en scène des idées érotomanes dans son délire, suite à la séparation subie. Selon le psychiatre De Clérambault [1], l’érotomanie se déroule en trois phases : tout d’abord le sujet a l’espoir d’être aimé, puis il se sent dépité par l’absence de geste d’amour venant de l’autre, et enfin, naît un sentiment de rancune.

Donc l’enjeu du divorce et de la garde de l’enfant sera la « vengeance » et la rancune que nourrira le parent paranoïaque, rancune qu’il n’affirmera évidemment pas comme telle auprès des institutions, pour mieux les manipuler, se présentant en parent « sauveur » et « parfait », en père/mère « qui souffre et est victime de ne plus voir son enfant dont il ne veut que le bien » face à l’autre « méchant parent » (en réalité, le parent protecteur). Ce sont des personnes souvent très convaincantes, qui font illusion et semblent irréprochables dans leur comportement, au point où les professionnels peuvent oublier les coups et les sévices psychologiques. Le parent protecteur perd en crédibilité au fur et à mesure des procédures parce qu’il ose dénoncer un homme/une femme en apparence respectable.


Dans ces conditions, l’enfant devient l’enjeu du délire, et le parent protecteur, un empêcheur qu’il conviendra d’éliminer par tous les moyens, tout en manipulant pour offrir une illusion de façade auprès des professionnels et des institutions.


Ainsi, le parent paranoïaque accusera l’autre parent non seulement de le persécuter, mais de nuire à l’enfant, d’être un danger pour l’enfant. Il se posera alors en « sauveur » qui seul sait quel est le bien de l’enfant, et qui cherchera à évincer à tout prix le parent protecteur, en s’alliant les institutions, par des procédés manipulateurs, face auxquels les institutions sont généralement aveugles, manipulées par la contagion délirante qui caractérise cette maladie mentale (et que seuls les professionnels aguerris à cette pathologie mentale sont généralement capables d’identifier).


Le harcèlement systématique de l’ex-conjoint

L’autre parent sera vécu comme le persécuteur, et pour que le paranoïaque récupère un semblant de sérénité psychique, il lui faudra harceler l’autre vécu comme persécuteur (y compris par des voies judiciaires) jusqu’à l’annihiler ou le tuer. Il pourra nuire à l’enfant, le maltraiter, jusqu’à des transgressions sexuelles, dans le seul but de détruire l’autre parent.

La caractéristique de la décompensation paranoïaque est bien dans le passage à l’acte : chantage au suicide, tentatives de suicide, ou de violences sur autrui, y compris par des voies détournées, harcèlement, meurtre.

Il est clair que dans les cas de séparation/divorce – et encore une fois, le risque est amplement majoré si la séparation n’est pas à l’initiative du parent paranoïaque – entraînant par-là une blessure narcissique insupportable pour lui, l’ex-conjoint et leur enfant seront en danger de harcèlement, de persécutions diverses et d’espionnage, mais aussi, d’insultes, de violences psychiques voire physiques, de maltraitances diverses, de coups/blessures, de viols et/ou de mort. L’ex-conjoint est particulièrement visé, et l’enfant le sera comme moyen d’atteindre l’ex-conjoint, « objet fétiche » qu’il faudra arracher à tout prix à l’autre, quitte à le briser.

Il ne faut absolument pas se fier à l’apparence calme et policée que peut donner à voir le parent paranoïaque face aux diverses institutions chargées d’évaluer la situation.


La fétichisation de l’enfant dans la « lutte à mort »





Je rappelle les propos de mon précédent rapport :

« Un parent paranoïaque représente un réel danger pour ses enfants, danger qui est majoré dans les cas de séparation, d’une part car le conjoint ne peut plus faire « tampon » (tiers), d’autre part parce que la séparation en elle-même est facteur de décompensation, le paranoïaque ne pouvant tolérer que le conjoint se « décolle » de lui.

Dans les cas de séparation, les enfants sont pris en otage, sur un mode manipulateur, et du fait de la projection, c’est le parent paranoïaque qui accusera l’autre parent de « manipulation », « d’aliénation parentale », de « danger » pour l’enfant. La justice sera prise en otage, et commettra souvent l’erreur de croire à un « conflit parental » alors qu’il s’agit en réalité d’un harcèlement du parent paranoïaque envers l’autre parent, au travers des voies judiciaires. »


Si le parent paranoïaque s’aperçoit qu’il n’obtient pas gain de cause en justice, et que l’enfant lui « échappe », il peut devenir très violent. Il vivra l’enfant comme « manipulé » par l’ex-conjoint vécu comme « persécuteur », et se donnera la mission de le « sauver » du « danger ». Si néanmoins l’enfant manifeste une quelconque velléité d’indépendance envers le délire du parent paranoïaque, ce dernier renforcera les représailles, les intimidations et les passages à l’acte pour soumettre le récalcitrant, une fois épuisées les ressources de la manipulation et de la séduction, et en cas d’échec de ces dernières. Il ne cessera de dénigrer l’autre parent devant son enfant, inventera des faits qui ne se sont jamais produits, semant ainsi le doute auprès des institutions, et se présentera en victime auprès des professionnels, chez lesquels il cherchera à déclencher l’empathie [2].

Le profil revendicatif est le plus dangereux des profils paranoïaques, avec des délires procéduriers, querelleurs, ne cessant de solliciter la justice pour rétablir « son bon droit ».

Je rappelle que la paranoïa est une « folie raisonnante » qui ne se repère pas au premier coup d’œil, contrairement au délire de persécution de type paranoïde dans la schizophrénie. Ainsi, seuls des professionnels aguerris sont susceptibles de ne pas se laisser manipuler par l’apparence raisonnante du délire paranoïaque, et il est donc essentiel, en cas de diagnostic psychiatrique de paranoïa, d’entendre la dangerosité de cette maladie mentale, même si elle fait illusion auprès des professionnels non spécialisés sur cette psychopathologie.


La question de la garde de l’enfant est posée sur le mode du pouvoir : celui qui aura la garde est celui qui aura « gagné », l’enfant étant instrumentalisé et fétichisé, sans aucune prise en compte de ses besoins, dans la haine que voue le parent paranoïaque à celui/celle qui lui aura infligé l’affront de le quitter.


Il faut souligner que selon la clinique, la majorité des paranoïaques sont des hommes. Il est donc plus fréquent que le parent paranoïaque soit un homme et déploie des moyens colossaux pour se présenter en père sauveur et parfait, exigeant la garde totale pour évincer la mère dans son rôle référent et protecteur pour l’enfant.


Dans le cas des enfants en bas âge, il n’est pas rare de voir des pères paranoïaques exiger une garde alternée de nourrisson, en accusant la mère d’être “fusionnelle” avec l’enfant (un peu normal à cet âge-là, non ? D’ailleurs c’est le nourrisson qui a besoin de fusion avec sa mère !), sans aucune considération pour les besoins de l’enfant, considéré comme un objet, que d’ailleurs le parent pourra confier à d’autres membres de la famille (souvent à sa propre mère) sur son temps de garde plutôt que de s’en occuper !

De même, ces pères paranoïaques accuseront la mère d’être “aliénante” alors que ce sont eux qui le sont, en déconsidérant les besoins psychiques de l’enfant. Ils invoqueront le bien-être de l’enfant, tout en ne se souciant pas le moins du monde de casser ses repères, ses rythmes, ses habitudes, son lieu de scolarisation, ce qui le sécurise, son histoire, et de casser le lien à la mère. Il n’est absolument pas tenu compte de la parole de l’enfant, lequel est souvent harcelé et oppressé pour produire des écrits, ou des paroles, qui sont contraires à ses premières déclarations, lorsqu’elles accusent le parent paranoïaque.

L’on voit même des institutions se faire le relais de ces pressions, ce qui interroge l’ampleur des dysfonctionnements que cette pathologie mentale engendre sur le plan collectif et dans les processus professionnels.


Du fait de la conviction délirante supportant ces accusations, ces paranoïaques parviennent à entraîner beaucoup de monde dans leur sillage : ils ne doutent pas, et cette conviction délirante semble s’imposer comme « la vérité ».

Quant à ceux (rares) qui ne se laissent pas manipuler, ils sont à éliminer et à persécuter (professionnels compris), par différents modes de harcèlement, d’intimidation et d’évitement.


Dans un déni total de réalité et d’altérité, les parents paranoïaques exigent souvent la garde totale, et l’éviction de l’autre parent dans son rôle de parent, qu’ils qualifient de « dangereux », sans apporter pour cela le moindre élément de preuve, et sur la base d’interprétations délirantes qu’il conviendra systématiquement de vérifier et de croiser avec le récit du parent stigmatisé comme « dangereux », pour ne pas se laisser manipuler par la seule argumentation du parent paranoïaque.


Les dangers

Les dangers sont essentiellement de deux ordres.


· L’inversion de culpabilité

Le premier est que la justice, et les institutions de manière plus générale, se laissent entraîner, par manque d’expérience, de formation et de connaissance de cette maladie mentale, dans la contagion délirante, et inversent la culpabilité. Ainsi, le parent protecteur peut se retrouver littéralement persécuté par les institutions, jusqu’à se voir retirer la garde de l’enfant, tandis que le parent paranoïaque (donc fou) se verra investi de la mission délirante qu’il invoque pour lui-même, celle du « sauveur ». Et toutes les mesures de précaution qui devraient être prises contre le parent paranoïaque vont alors l’être contre le parent protecteur !

Ceci est le fruit de la contagion du délire paranoïaque qui opère par des mécanismes psychiques subtils que j’ai décrits par ailleurs dans divers articles, livres et conférences, et entraîne généralement la disqualification du parent protecteur au profit du parent paranoïaque, aux mains duquel les institutions manipulées vont remettre l’enfant, parfois en garde totale, et parfois, dans le déni le plus total de la parole de l’enfant, voire même des maltraitances parfois constatées, diagnostiquées, et avérées.

Cette inversion de culpabilité est souvent assortie de menace envers le parent protecteur, qui devient gênant à dire la folie du parent paranoïaque, et que les institutions vont à leur tour persécuter, se faisant le « bras droit exécutif » du parent paranoïaque : menaces de placement de l’enfant, accusations de « fusion » avec l’enfant, d’ « aliénation parentale » (doit-on rappeler que ce « syndrome » n’a jamais reçu de qualification scientifique…[3]), en somme, autant de concepts flous qui servent en réalité à étayer le délire du parent paranoïaque et son sentiment de persécution.

Ce faisant, les institutions vont concourir à renforcer la maltraitance vécue par l’enfant, en le remettant, aveuglées et dans le déni, à son agresseur…[4]


· Les passages à l’acte

Le parent paranoïaque manipulera savamment les institutions et les professionnels qui ne sont pas formés à cette pathologie et n’ont pas les grilles de repérage adéquates pour l’identifier.

Dans le même temps, le parent paranoïaque pourra harceler, menacer, insulter, intimider, espionner, cambrioler, exercer tout type de violences psychologiques et physiques, mais aussi de représailles sur le parent protecteur et l’enfant, à l’abri du regard des institutions auprès desquelles, je le rappelle, le parent paranoïaque fera illusion, et ce, jusqu’à maltraiter sexuellement l’enfant s’il s’agit de le faire taire.

De surcroît, il s’évertuera à disqualifier les professionnels qui lui « résistent » (ceux qui ont clairement identifié sa pathologie, ou a minima ceux qui se posent de sérieuses questions sur lui), et pourra exercer à leur encontre des pressions et des intimidations (jusqu’aux menaces physiques) comme à l’encontre de ceux qui auront signalé les maltraitances subies par l’enfant.

En général, et de façon très étrange, les professionnels à l’origine des signalements ne seront presque jamais entendus, et le parent paranoïaque prendra bien soin d’écarter tout contact possible desdits professionnels avec l’enfant et avec les autres professionnels en charge de la suite du dossier.


Conclusion

En conclusion, il ne faut absolument pas minimiser la dangerosité du paranoïaque dans les cas de séparation/divorce et ce, même des années après (parfois 10 ans, 20 ans après la séparation, la pathologie n’évolue pas, et au contraire, se rigidifie avec le temps), surtout si un enfant est né du couple, car ce dernier devient « l’enjeu » de la « guerre » d’anéantissement menée par le paranoïaque, pour lequel tous les coups sont permis, et qui saura manipuler de façon stratégique les professionnels et les institutions non spécifiquement formés à cette maladie mentale.


Souvent, l’ex-conjoint harcelé par le parent paranoïaque devra littéralement fuir géographiquement, pour échapper au harcèlement.


Je rappelle aussi que de nombreux « crimes passionnels » sont en réalité des crimes commis par des paranoïaques ne supportant pas le désir émis par le conjoint de se séparer… Souvent, le paranoïaque trouvera un moyen de ne pas complètement se suicider, après avoir organisé des mises en scène de type morbide, ce qui rejoint là encore l’ampleur de la manipulation usée par cette psychose pour faire illusion.


L’ex-conjoint visé par le délire paranoïaque devra donc s’entourer de grandes précautions de sécurité, et il est certain qu’il faut éviter absolument toute relation, car tout type d’échange, même minime, réactive le délire, la projection et la « fixation d’objets », donc la dangerosité sur la personne exposée (et l’enfant, vécu comme « monnaie d’échange »).


Pour développer davantage différents points, je renvoie à la bibliographie infra.

Le 20 février 2016

Ariane BILHERAN, normalienne (Ulm), psychologue clinicienne, docteure en psychopathologie


Annexes


Quelques références indicatives sur le sujet


Conférences visibles sur la chaîne Youtube Ariane Bilheran

Paranoïa en protection de l’enfance (France, 08 octobre 2016)


Interview visible sur la chaîne Youtube Ariane Bilheran


Livres

Bilheran A. 2016. Psychopathologie de la paranoïa, Paris, Armand Colin.

Bilheran A. 2016. « Repérage des personnalités perverses et paranoïaques », in Danger en protection de l’enfance, Paris, Dunod.

Bilheran A. 2013. Manipulation. La repérer, s’en protéger, Paris, Armand Colin (« Coup de cœur » de la Fnac).

Bilheran A. 2009. Harcèlement. Famille, Institution, Entreprise, Paris, Armand Colin, coll. Sociétales.

Barthélémy S., Bilheran A. 2007. Le délire, Paris, Armand Colin (traduit en coréen).

Bilheran A. 2006. Le harcèlement moral, Paris, Armand Colin (« Coup de cœur » de la Fnac 1re rééd. 2007, 2ème rééd. 2010, 3ème rééd. 2013).

Articles

Bilheran A. 2012. « Harcèlement et suicide au travail : psychopathologie », in Bilan du Grand Forum de la Prévention du Suicide, Association Québécoise de Prévention du Suicide.

Bilheran A. 2011. « La soumission psychologique au travail. Comment un harceleur parvient à soumettre tout un groupe d’adultes pourtant bien constitués, et ce qui s’ensuit », in Revue Les Cahiers des Facteurs Psychosociaux, Catéis. Article consultable sur ce site >>>

Bilheran A. 2008. « Harcèlement, système et organisation », in Les Cahiers des Facteurs Psychosociaux, août 2008. Article consultable sur ce site >>>


Notes

[1] Clérambault (De), G. G. 1921. « Les délires passionnels. Érotomanie, Revendication, Jalousie », in Bulletin de la Société Clinique de Médecine Mentale février 1921.

[2] Et des formes d’identifications psychiques parentales subtiles au travers desquelles les professionnels vont sortir de leur indépendance et de la distance critique nécessaire, dévier de leur cadre, de leurs bonnes pratiques et de leur déontologie.

[3] Lire l’article de Marie-Christine Gryson-Dejehansart « Le recours au Syndrome d’aliénation parentale bientôt proscrit des expertises judiciaires » : « Le Ministère des Familles de l’Enfance et des Droits des femmes vient d’annoncer la prochaine publication d’une fiche sur le site du Ministère de la Justice, visant à proscrire l’utilisation du concept idéologique dénommé SAP ou AP. Depuis une dizaine d’années, de nombreux spécialistes de l’Enfance et du psycho-traumatisme n’ont eu de cesse d’en dénoncer la dangerosité. »

[4] Cf. le livre collectif préfacé par le Prof. Maurice Berger Danger en protection de l’enfance. Dénis et instrumentalisations perverses, Paris, Dunod, 2016.


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