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Clinique d’un cas de burn out, dans le cadre de la consultation « souffrance & travail »

Dernière mise à jour : 8 juil.

29 septembre 2014


La consultation spécialisée « Souffrance & Travail » a pour objectif d’accueillir des personnes en souffrance sur leur lieu de travail. Elle est un espace dédié à la résolution de cette souffrance, tant par une aide concrète (travail en réseau et prise en charge multidisciplinaire) que psychique.

La psychopathologie du travail permet d’élargir le point de vue de la psychopathologie traditionnelle, en introduisant une réflexion sur les organisations du travail pathogènes et les impacts tant psychiques que somatiques sur les individus, sans pour autant écarter une analyse des collusions entre l’histoire personnelle et le vécu dans l’entreprise.

Une illustration en est donnée au travers d’un cas de burn out lié à une période de réorganisation suite à un rachat de l’entreprise, burn out cachant une dépression plus profonde et étant l’occasion pour la personne de mettre en lumière des répétitions inconscientes tout au long de son histoire.

Le cas clinique sera développé ici sous le prénom de Mathilde [2].

Mathilde se présente, selon ses termes, « tard » à la consultation. Elle a « beaucoup attendu », car elle « ne sait plus où elle en est ». Elle se dit « perdue ». Effectivement, le regard est hagard et, dès les premières minutes, embué de larmes. Mathilde ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle est en arrêt de travail depuis quinze jours, et son médecin traitant l’a mise sous antidépresseurs, car elle ne pensait plus qu’à mourir. Cela ne lui est jamais arrivé. La parole est confuse ; « j’ai le cerveau embrouillé », dit-elle. Mathilde présente tous les signes d’un burn out [3] consécutif à plusieurs chocs traumatiques aigus, sur fond de surmenage professionnel. Elle dit se « sentir vide », « ne plus avoir de goût à rien », ne plus trouver de sens, se sentir désormais inutile au travail. Elle préfère s’isoler. « Je suis incapable, je ne suis pas parvenue à gérer cette agence, c’est de ma faute », répète-t-elle régulièrement. Elle dit subir de grands trous de mémoire, des flash-back récurrents sur certaines situations professionnelles qui l’empêchent de dormir sereinement, une phobie du lieu de l’entreprise. Elle éprouve des difficultés à retranscrire avec précision la chronologie des événements, une tristesse intense. Un syndrome anxio-dépressif se surajoute au tableau clinique, entraînant un sentiment de culpabilité, une honte et un jugement sans appel sur son « incapacité » professionnelle, avec une telle auto-dévalorisation que Mathilde a le sentiment qu’elle ne s’en « sortira jamais ».

Son parcours professionnel

En psychopathologie traditionnelle, nous pourrions interroger les liens du sujet à son histoire, à la répétition des situations et des rôles, pour en dégager des modes de fonctionnement psychiques récurrents.

Cette psychopathologie traditionnelle n’est pas exclue des consultations « Souffrance & Travail », mais nous lui rajoutons la valeur de la psychopathologie du travail, à savoir la dimension de la clinique du travail. Que s’est-il passé, dans l’organisation du travail, qui conduise Mathilde, comme beaucoup d’autres salariés de cette même entreprise, au même moment, à subir des troubles psychosociaux graves, tels que le burn out, la dépression, des décompensations sur un mode somatique (accidents vasculaires cérébraux, crises cardiaques etc.), ou encore, des conduites suicidaires ?

La valeur ajoutée des consultations « Souffrance & Travail » est bien, sans écarter une réflexion sur la participation de l’individu à ce qui lui arrive, d’interroger le système « organisation du travail », dans lequel l’individu est broyé, à un moment donné, sans avoir conscience des processus en jeu, et de la violence qu’ils engendrent sur les travailleurs, jusqu’à créer des troubles psychosociaux en chaîne.


Mathilde travaille dans le secteur tertiaire, dans un milieu financier et bancaire. Son entreprise, c’était « comme une histoire d’amour », la première et la seule, puisqu’elle y était entrée à l’âge de vingt ans. « Il m’a fallu attendre cinquante-trois ans pour m’apercevoir qu’on m’avait menti, que je ne méritais aucune reconnaissance ».

L’entreprise initiale, de nature plutôt « familiale », une entreprise où il fait bon vivre, où existe du lien social avec les clients, se voit sauvagement racheter par un grand groupe de la finance. Voici la fameuse « fusion-acquisition » derrière laquelle se cachent des logiques de rachats extrêmement meurtrières, s’apparentant à de la « conquête » de marché. Cela signifie, en clair, que les salariés de l’ancienne entreprise sont « les vaincus », qui doivent se plier à une nouvelle culture, des nouveaux process, voir leur direction se faire limoger pour laisser la place aux successeurs affiliés aux « vainqueurs ». Ces périodes de rachat sont souvent extrêmement éprouvantes aux yeux des salariés de l’entreprise rachetée, pour lesquels l’entreprise conquérante ne daigne souvent pas mettre en place de conduite du changement, empruntant une économie de moyens et des clichés que l’on peut entendre en tant que consultant : « l’humain s’adapte à son environnement ». De plus, et de façon très cynique, ces modes de management des salariés de l’ancienne société rachetée peuvent entraîner des départs et des démissions, ce qui peut être souhaité si l’on désire renouveler le personnel ou, tout simplement, « dégraisser la masse salariale »…


Dans ce contexte, que s’est-il passé pour Mathilde ?

Son directeur d’agence est parti en burn out, sans doute suite à des pressions inouïes de la part de la nouvelle direction, avec des exigences démesurées. Mathilde a donc assuré l’interim, exerçant deux métiers à la fois, son métier habituel de conseillère de clientèle, et le métier de directrice d’agence, métier auquel elle n’a pas été formée, et pour lequel elle n’a pas été accompagnée. Elle a tout de même accepté cette charge, mue par une forme d’héroïsme : « il fallait bien que l’agence tourne, pour les clients ».

Á travers le cas de Mathilde, l’on retrouve l’un des traits saillants du burn-out au travail : il concerne des populations extrêmement investies dans leur vie professionnelle par une forte éthique, concernées par l’image et la culture de l’entreprise. « Je n’ai jamais compté mes heures », ajoute Mathilde, qui s’est donc mise, comme toujours, au service des besoins de son entreprise.

Ceci était sans compter sur l’orientation de la nouvelle direction désireuse de se débarrasser : des Anciens qui coûtent trop cher en masse salariale, des Anciens qui sont trop imbibés par l’esprit et la culture de l’ancienne entreprise, des Anciens qui souvent ont développé un fort esprit critique et à qui l’on ne peut pas tout faire accepter.


Mathilde assure donc les deux emplois de façon concomitante et fait tourner l’agence. Elle ne rencontre aucune reconnaissance, ni morale, ni symbolique, ni financière. « Cela ne me dérangeait pas, je savais qu’ils ne me paieraient pas pour exercer les fonctions de directeur par intérim, d’ailleurs je n’attendais pas d’argent. » Certes, mais cette absence de reconnaissance fragilise Mathilde qui se trouve déjà en surmenage, et voit peu à peu s’écorner l’image qu’elle peut avoir d’elle-même au travail, car la charge de travail devient de plus en plus volumineuse, et elle ne parvient plus à tout absorber, ce qui la conduit à travailler en « mode dégradé » et au sentiment d’échec qui s’ensuit.


Le premier choc traumatique aigu qu’elle subit intervient au terme de huit mois d’investissement acharné dans cette situation. Mathilde reçoit un appel : il est prévu que l’agence ferme deux semaines plus tard. Il lui est demandé de ne pas l’annoncer aux clients. Ils le découvriront une fois l’agence fermée, ce qui les entraînera à se rabattre sur l’agence de la même enseigne qui se trouve plus éloignée mais, mis sur le fait accompli, ils n’auront pas eu le temps de partir à la concurrence. Mathilde devra se charger de déménager elle-même les locaux (vider les bureaux, faire les cartons…) et de mentir aux clients jusqu’à la fermeture définitive de l’agence.

Cette fois, c’en est trop. Mathilde s’effondre, pour plusieurs raisons :

Cette agence, qu’elle a portée à bout de bras depuis plusieurs mois, au mépris de l’investissement et du temps passés, se voit fermée et ce, en dépit de tout bon sens, alors qu’elle fait l’un des meilleurs chiffres de la région.

Cette première donnée entraîne un sentiment d’incompréhension, d’injustice, ainsi qu’une colère.

Cette agence est fermée brutalement, dans la précipitation.

Cette deuxième donnée empêche toute possibilité pour Mathilde de prendre du recul par rapport à la nouvelle. Sous le choc, elle doit faire face et n’a pas la possibilité d’entreprendre un travail de deuil ni de poser des décisions sereines.

Les clients sont méprisés car l’entreprise les prend en otage.

Cette troisième donnée heurte les valeurs et l’éthique professionnelles de la patiente, pour qui les clients doivent être au cœur du travail, et l’objet d’un service au sens noble, allié à un profond respect. Le cynisme de l’entreprise choque profondément la sensibilité de Mathilde et vient contraster avec les valeurs de son ancienne entreprise rachetée.

Mathilde doit se charger du déménagement. Cette quatrième donnée suppose que non seulement Mathilde doive encaisser le choc émotionnel, qu’elle doive gérer l’urgence, mais en outre, qu’elle soit elle-même l’auteur de la mise en œuvre d’une décision qu’elle ne comprend pas, qui lui semble absurde et qu’elle désapprouve sur le plan moral. Bien entendu, Mathilde souffre là d’un conflit de loyauté.

Mathilde devra dissimuler la nouvelle aux clients.

Cette cinquième donnée exige une attitude contradictoire de la part de Mathilde : d’un côté, elle doit orchestrer un déménagement auquel elle ne souscrit pas, de l’autre elle doit s’interdire d’informer les clients, ce qui est contre son éthique professionnelle, et la désignera d’ailleurs directement à la vindicte, puisque les clients risqueront bien de lui attribuer ce comportement, et de l’en incriminer.

Mais ce n’est pas tout.

Mathilde s’entend très bien avec un collègue, avec lequel elle a tenu l’agence durant plusieurs mois. Son collègue, suite à des pressions majeures de la part de la direction, part de l’entreprise et trouve rapidement un emploi ailleurs. Mathilde se retrouve seule. C’est un autre choc pour elle : la perte du soutien social et le sentiment d’isolement face à la « barbarie » ambiante. C’est alors qu’une étrange proposition est faite à Mathilde. Elle devra s’éloigner de son domicile de quatre-vingt kilomètres pour aller travailler dans une autre agence où elle redeviendra une conseillère de clientèle, sous les ordres d’un directeur que Mathilde sait, de source sûre, avoir un tempérament harceleur. Mathilde juge ce directeur incompétent, carriériste, opportuniste. Elle sait qu’ils ne pourront pas s’entendre. D’ailleurs, ce directeur l’a déjà avertie : « je reprends tous tes gros portefeuilles clients », et l’a déjà humiliée devant autrui.

Mathilde refuse ce changement.

La direction de l’entreprise lui propose alors un poste dans une autre agence, mais elle n’aura pas de bureau ! Mathilde comprend qu’elle est devenue indésirable pour l’entreprise, en ayant refusé de se soumettre aux conduites perverses que cette dernière lui a demandé d’adopter.

Elle sollicite néanmoins un entretien avec les Ressources Humaines, entretien au cours duquel il lui est bien spécifié que c’est elle qui est de « mauvaise foi », qui « fait de la résistance au changement ».

Cette fois-ci c’en est trop. Mathilde fond en larmes, rencontre la médecine du travail qui me la renvoie pour une consultation spécialisée, ainsi que son médecin traitant, qui pallie l’urgence en lui prescrivant des antidépresseurs ainsi qu’un arrêt de travail d’un mois.


La consultation « Souffrance & Travail » est l’espace pour interroger avec la patiente autant la dimension clinique du sujet que l’organisation du travail qui est source de ces dysfonctionnements majeurs.

Le choc traumatique révèle un burn-out, lequel cache une profonde dépression…

Nous entreprenons un travail régulier destiné à ce que Mathilde sorte de son état de sidération, et qu’elle puisse retrouver ses facultés. La patiente est alors tiraillée entre sa conscience et ses valeurs, qui lui commandent bien de ne pas laisser ainsi soumettre son intégrité, et un sentiment de culpabilité intense, car « les autres se soumettent, et pas moi, je dois avoir un problème ». Mathilde souffre beaucoup du rejet, seul son ancien collègue parti à la concurrence intervient en soutien. Les autres se soumettent effectivement à l’ordre dominant, et le mot d’ordre est de ne plus la contacter.


Nous engageons sur plusieurs mois un travail de type analytique, destiné à mettre en mots et en sens ce qui est arrivé à Mathilde. De ce travail, nous pouvons extraire la maltraitance organisationnelle, mais aussi interroger son surinvestissement au travail. Cela nous mène à enquêter sur son histoire familiale : si les symptômes dépressifs sont aussi violents et persistent, par-delà le burn out, c’est bien parce que la maltraitance de l’entreprise lui évoque celle de sa mère, le rejet de sa mère, sa froideur, sa dureté, tandis que la passivité de ses collègues et leur soumission lui rappellent bien l’attitude de son père.

Auparavant, Mathilde était mariée à « un pervers narcissique », selon ses termes, un homme qu’elle décrit comme sa mère, froid, dur, et qui avait eu à son encontre des violences physiques. Elle s’était libérée de cette relation par un divorce juste avant que son entreprise ne soit rachetée.

Mathilde croise alternativement ces figures maltraitantes soit dans la vie privée, soit au travail, et c’est lorsqu’elle s’en est défait dans sa vie privée que la maltraitance est arrivée par le biais du travail.

Néanmoins, la déception est immense, car « toute sa vie », elle a voulu être « utile » au travail, ayant le sentiment de n’exister qu’à travers le travail, car n’existant ni dans le regard de sa propre mère ni dans celui de son mari. La désillusion est à la hauteur de ce surinvestissement.

Le travail « dans le réel » et les perspectives

Dans le réel, et dans le même temps que le travail psychothérapeutique, s’enclenche une procédure juridique avec un premier avocat, par lequel Mathilde ne se sent absolument pas soutenue.

Elle a l’impression qu’il déconsidère le dossier mais, là encore, elle ne parvient pas à s’en dégager, se sentant « trop coupable », « vilaine fille » d’attaquer la « mère entreprise » en justice, entreprise dont elle peut avoir l’illusion qu’elle l’a « nourrie » durant toutes ces années.

Les processus pathologiques à l’œuvre dans l’organisation du travail continuent. L’entreprise ne souhaite pas une négociation amiable, et entreprend de constituer un dossier calomnieux contre la patiente, en exerçant des pressions sur d’anciens collègues afin qu’ils désignent chez elle des fautes professionnelles. Mathilde souffre considérablement de la lâcheté et de la soumission de ses anciens collègues, dont beaucoup se plient au jeu. « Je me sens punie, en prison dans un château-fort dont je ne sortirai jamais, car j’ai désobéi », dit-elle en broyant du noir.

Mathilde finit par changer d’avocat, dans le prolongement de son travail thérapeutique qui la dégage petit à petit du sentiment de culpabilité qu’elle éprouve, pour trouver un avocat qui l’accompagne davantage et dont elle se sent satisfaite.

Dès lors, l’horizon commence à se dégager, et une entente est enfin trouvée avec l’employeur, afin que Mathilde quitte l’entreprise. Elle ne souhaite pas partir en procès car elle sait que ce sera « le pot de terre contre le pot de fer », et qu’elle sera perdante contre ce grand Groupe.

Mathilde commence à renaître, à entrevoir des projets, à décider de s’occuper d’elle. Dans le même temps, elle apure ses relations familiales, et cesse de subir les sarcasmes de sa mère, en posant des limites et de la distance avec elle.

Chaque jour couronne un petit exploit : aller se baigner en affrontant la honte qu’elle a désormais de son propre corps (lequel a pris vingt kilogrammes en un an, depuis l’annonce de la fermeture de l’agence par l’entreprise), aller chez un médecin homéopathe pour régler son sommeil par la médecine douce, aller chez l’ostéopathe pour soulager son dos, ne plus répondre au téléphone lorsqu’elle ne le souhaite pas…

Elle entrevoit l’avenir : « j’aimerais refaire ma vie à l’étranger ».

Parfois, ce projet lui paraît irréalisable, d’autres fois, il nourrit son désir.

Conclusion

En tout et pour tout, la crise traversée par Mathilde au travail aura duré près de trois ans, le burn out apparent cachant une dépression qui trouva ici l’opportunité de s’exprimer et d’être prise en charge. La consultation a permis de l’accompagner, et d’offrir un espace qui soit l’occasion de retrouver du sens, de renforcer l’intégrité de la patiente, de lui redonner le désir d’agir. Le travail psychothérapeutique aura analysé les processus à l’œuvre dans cette organisation du travail pathogène, permettant ainsi de déculpabiliser la patiente qui se sentait « en échec » et l’imputait totalement à son « incapacité », soulevé des répétitions inconscientes chez elle dont elle a pris conscience, et désormais Mathilde considère qu’elle a bien le droit d’exister pour elle-même, sans être systématiquement « utile » aux autres. D’ailleurs, elle n’acceptera plus jamais de patron, dit-elle avec humour !

Les consultations « Souffrance & Travail »

Les consultations « Souffrance & Travail » s’inscrivent dans la lignée du certificat de spécialisation en psychopathologie du travail qu’a créé Christophe Dejours, en novembre 2008, au CNAM.

Environ dix ans auparavant, en 1997, Marie Pezé, Docteure en Psychologie, psychanalyste et expert auprès de la Cour d’Appel de Versailles, avait initié la première consultation « Souffrance et Travail », au Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers de Nanterre.

Aujourd’hui, il existe une centaine de consultations spécialisées sur le territoire français, et ce réseau, référencé sur le site http://www.souffrance-et-travail.com/ permet d’offrir une prise en charge adaptée à la souffrance au travail.

Pourquoi une prise en charge adaptée est-elle nécessaire ?

La souffrance au travail nécessite une prise en charge adaptée, car le travail est un facteur pathogène en soi, qui est structuré selon des processus psychopathologiques susceptibles d’enclencher une souffrance psychique et des troubles somatiques, davantage connus sous le terme « troubles psychosociaux ».

Si la souffrance psychique est bien sûr de nature universelle, le contexte et l’environnement de travail colorent d’une manière singulière sa manifestation. Ils doivent être interrogés, tout autant que le sujet humain, pour œuvrer à la résolution de cette souffrance et de ses conséquences, parfois extrêmement graves (suicides).

Quel est le but des consultations « Souffrance & Travail ? »

Le but des consultations spécialisées « Souffrance & Travail » est pluriel :

  • Permettre à la personne d’identifier et de comprendre sa souffrance

  • Replacer la santé comme une priorité absolue

  • Identifier l’origine, souvent multifactorielle de cette souffrance

  • Comprendre les mécanismes à l’œuvre dans l’organisation du travail (ex. : techniques de management pathogènes, etc.)

  • Connaître les droits qui encadrent le travail

  • Trouver une aide pragmatique et psychothérapeutique

  • Être efficacement orienté vers des professionnels dans une prise en charge pluridisciplinaire (ex. : avocat pour un conseil juridique ou la prise en charge d’un contentieux, médecin pour un arrêt de travail ou une aide médicamenteuse, médecin du travail pour envisager une procédure d’inaptitude, ostéopathe pour traiter les lombalgies dues au travail etc.).

  • Envisager une stratégie de résolution de la situation (ex. : en interne, saisir les délégués du personnel, les membres du CHSCT [4], les RH, en externe, contacter l’inspecteur du travail, le médecin traitant etc.).

Qui sont les professionnels ?

Les professionnels qui assurent les consultations « Souffrance & Travail » sont avant tout reliés par une éthique professionnelle, des valeurs et une vision commune des souffrances relatives au milieu du travail et à leur résolution. Leur parcours et leur sensibilité peuvent être hétérogènes : de formation certains sont psychologues cliniciens, d’autres psychologues du travail, d’autres médecins du travail, d’autres psychiatres, etc. Ils répondent néanmoins tous au même référentiel de psychopathologie du travail et de psychodynamique du travail, ainsi qu’à une déontologie garantissant la confidentialité des échanges.

Á qui s’adresse la consultation ?

Á toute personne qui se sent en souffrance dans son travail, souhaite y voir clair et trouver des chemins pour s’en sortir.

La consultation peut donc s’adresser tout autant à un ouvrier, un infirmier, un cadre commercial qu’à un chef d’entreprise.

Elle peut concerner des souffrances et des douleurs hétérogènes tels que symptômes dépressifs, troubles musculo-squelettiques en lien avec une souffrance psychique, névrose traumatique dans des situations de violence au travail, et toute la panoplie de ce que l’on nomme « troubles psychosociaux » [5].

Quels sont les tarifs ?

Le tarif dépend du professionnel et du cadre de la consultation (public/privé). Les consultations de médecins sont prises en charge par la sécurité sociale, tandis que les psychologues peuvent être remboursés pour tout ou partie par des mutuelles. Certaines demandes de consultation peuvent être prises en charge par l’employeur, sur demande ou non de la médecine du travail.

Descriptif du dispositif de la consultation

1 – Anamnèse

L’anamnèse consiste à retracer l’historique de la situation (historique de l’entreprise, parcours professionnel du salarié, chronologie de la dégradation), permettant d’identifier le contexte et les facteurs déclencheurs.

2 – Analyse de l’environnement de travail

Cette phase correspond à identifier les modifications organisationnelles (ex. : fusion/acquisition), les processus psychopathologiques dans l’organisation du travail (ex. : techniques de management pathogènes, surcharge ou sous-charge mentale de travail etc.), et à analyser la qualité du collectif en milieu de travail, ainsi que les vécus émotionnels de la personne.

3 – Autres événements de vie éventuellement conjoints (ex. : deuil, divorce etc.)

4 – Diagnostic psychopathologique de la personne

Nature des troubles (sémiologie)

Diagnostic clinique et explicitation au patient (ex. : syndrome de stress post-traumatique, burn out, dépression, etc.).

5 – Identification des modes de résolution de la souffrance à court, moyen et long terme

Dans le réel, la consultation « Souffrance & Travail » opère en réseau pluridisciplinaire : prise de contact avec la médecine du travail, avec le médecin traitant, avec un avocat, mise en place d’une prise en charge psychothérapeutique.

Transmission des informations au patient sur son état psychique, les professionnels à contacter, les stratégies de résolution envisagées.

Aide à la prise de conscience et à la sortie de mécanismes de défense pathogènes (ex. : dénégation, banalisation etc.).

6 – Si le professionnel est spécialisé dans la prise en charge psychothérapeutique, la consultation peut déboucher sur un accompagnement psychologique

Bibliographie

Site de référence, avec annuaire des cliniciens spécialisés : http://www.souffrance-et-travail.com/

Bilheran A. (coll). 2010. « Comprendre les troubles psychosociaux par l’approche organisationnelle », in La souffrance au travail (coll.), Paris, Armand Colin.

Clot, Y., Gollac, M. 2014. Le travail peut-il devenir supportable ?, Paris, Armand Colin.

Dejours, C. 2000. Travail, usure mentale. De la psychopathologie à la psychodynamique du travail, Paris, Bayard éditions.

Dejours, C. 2012. Psychopathologie du travail, Paris, Elsevier Masson.

Pezé, M. 2008. Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, Pearson Éducation.

Filmographie

Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, documentaire de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil, ADR productions/Alter Ego Films, 76 mn, 2005.

La mise à mort du travail. La destruction, l’aliénation, la dépossession. Comment les logiques de rentabilité pulvérisent les liens sociaux et humains, série documentaire de J.R. Viallet, sur une idée originale de Christophe Nick, France Télévisions Distribution, 2009.


Notes

[1] In Santé Mentale, « Burn Out : Comprendre et accompagner », 29 septembre 2014.

[2] Á des fins d’anonymat et de confidentialité, tout élément permettant de reconnaître la patiente est soigneusement transformé, y compris le milieu professionnel.

[3] L’épuisement professionnel est surtout connu sous l’appellation anglaise burn out. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), il se caractérise par « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ». Le syndrome de l’épuisement professionnel s’installe graduellement et se développe en quatre étapes qui sont franchies plus ou moins rapidement selon la tolérance de la personne au stress : l’idéalisme, le plafonnement, la désillusion et la démoralisation.

Le sujet déploie de plus en plus d’énergie pour accomplir son travail, sans toutefois en obtenir de satisfaction, jusqu’à l’épuisement. Cette marche « à vide » peut durer des années. Le déni est typique de l’épuisement professionnel, ce dernier étant souvent vécu comme un aveu d’échec.

[4] Le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, de contribuer à l’amélioration des conditions de travail, de veiller à l’observation des prescriptions légales prises en ces matières (Article L4612-1 du code du travail).

En informant le CHSCT, parfois en même temps que l’inspecteur du travail, on commence à donner une dimension collective au problème du ou de la salarié(e) et à poser les questions à propos des effets de l’organisation du travail, des responsabilités qui en découlent.

[5] « Les troubles psychosociaux désignent une souffrance psychique pouvant occasionner des maladies psychosomatiques, ainsi que des difficultés tant relationnelles que comportementales dans le milieu de travail. Les risques psychosociaux désignent le potentiel que de telles situations se produisent. Ils sont à évaluer en amont. L’intensité, le cumul et la durée des risques psychosociaux sont susceptibles d’engendrer des troubles psychosociaux se distinguant par leur gravité. Car il existe une échelle, dans les troubles psychosociaux, allant du stress jusqu’au burn out et aux idées suicidaires. Toute situation de souffrance au travail, si elle n’est pas traitée, est vouée à devenir plus sérieuse au fil des mois, pouvant mettre également en danger la compétitivité de l’entreprise. […] Ainsi, l’individu n’est pas seul en soi : il est le produit du climat de son environnement et est également responsable à son niveau de ses propres interactions avec cet environnement. Le point de vue est appelé systémique, l’individu étant un point du système que peut être l’entreprise, et au sein duquel des interactions ont lieu. », in Adam, P., Bilheran, A. 2010. Risques psychosociaux en entreprise.


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