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Notre inquiétude...

Dernière mise à jour : 27 août 2021


« L’homme est né libre et partout il est dans les fers »

Rousseau, Le Contrat Social, 1762.


« Très bien.

Jouez donc éternellement le même jeu.

Vous changerez seulement de maître.

L'Armée Nouvelle attend des volontaires.

Courez-y.

Une fois de plus vendez la liberté.

Librement vendez-la. »

Alain, Contre le Léviathan, 1932.




Le 26 février 2021


Observateurs inquiets de ce qui se passe dans le corps social depuis le raptus politique de l’enfermement mondial des populations, nous souhaitons nous interroger sur l’attaque inouïe des modalités du vivre-ensemble, et du droit à « la vie nue », reprenant ce concept au philosophe Giorgio Agamben, qui désigne « le simple fait de vivre » commun à tous les êtres vivants et qui est un droit sacré et inaliénable.


Nous constatons en quelques mois la déstructuration du lien social et la modification du rapport à l’autre, aux autres et au monde.


Depuis la survenue de cette événement « sanitaire », nous déplorons le détournement et l’utilisation opportuniste systématique du concept de « santé » par le biopouvoir qui a adopté une gouvernance dont le modus operandi et le logiciel épidémiologique dénaturent l’état de droit démocratique tel que nous le connaissons, en le pervertissant en régime totalitaire par l’intermédiaire de la fabrique du consentement et de l’opinion de la foule (ochlocratie) adossée à la fabrique de la pandémie perpétuelle.


Ainsi, au nom de la santé et du principe de précaution érigé en absolu, un nouvel ordre hygiéniste biocidaire guidé par l’utopie du risque zéro s’est installé au mépris de toute concertation traditionnelle et légaliste avec les corps constitués et les corps intermédiaires, transformant la société en dystopie sanitaire mortifère.


Or, le cœur du réacteur nucléaire de cette dystopie est le concept de gravité du coronavirus et de la maladie qu’il engendre parfois sous une forme grave et même fatale, alors que 99,77% des personnes qui l’auront contracté en sortiront indemnes pour la plupart.

Le simple rappel de ces chiffres pourtant officiels suffit à déclencher encore aujourd’hui des réactions collectives agressives et hystériques, qui témoignent de manière flagrante que la carte du territoire de l’épidémie a été délibérément falsifiée en représentation rigide, orthodoxe et religieuse.


De toute évidence pour nous, il ne s’agit plus ici de science mais bien de croyance. Il faut croire à la gravité de la situation, tel est le mantra répété tous les jours par les autorités et ses relais médiatiques, et quiconque ose le remettre en question sera stigmatisé, discrédité, disqualifié, isolé, exclu, ostracisé, exactement de la même manière que le furent les dissidents politiques des régimes totalitaires historiques. La connaissance scientifique s’est diluée dans la doxa religieuse du Covid-19 à laquelle nous sommes tous sommés de croire et à laquelle nous devons nous soumettre pour notre bien. L’Etat s’est donc arrogé le droit de régir la vie privée des individus jusque dans leur intimité, tout en les réduisant à des entités biologiques primaires enfermées dans un cycle circadien élémentaire rythmé par trois activités essentielles, travailler, s’alimenter et dormir, et où respirer librement doit même se payer comme on a pu le découvrir par le système des jetons pour respirer que l’on voit se déployer dans certaines écoles auprès des enfants.


Mais la politique en cours, au-delà d’être répressive, intrusive, transgressive, s’autorisant du mensonge pour persécuter la population, et y introduire division, haine et clivage, est aussi en train d’instaurer un apartheid sanitaire avec l’introduction envisagée du passeport sanitaire et des tests, préludant à une société à deux vitesses.


La ligne de fracture et de séparation s’annonce désormais être celle entre « les bons citoyens », et « les mauvais citoyens » considérés comme citoyens de seconde zone, les premiers feront partie de la caste des privilégiés, et les seconds seront considérés comme des pestiférés tenus à l’écart et exclus de la société. Avec le « passeport sanitaire », les « bons citoyens » seront ceux qui accepteront d’échanger leur droit à la vie « normale » selon la nouvelle norme anthroposociale, contre un ticket d’entrée dans le monde des initiés à la dévotion fétichiste de la vaccination qui autorisera l’accès aux libertés fondamentales désormais confisquées : mouvements, déplacements, rencontres, échanges, services et consommation.


Ces droits antérieurement inaliénables seront désormais monnayables et parcellisés.


Les « mauvais citoyens » seront ceux qui refuseront de renoncer à leurs droits fondamentaux à la vie telle qu’ils la conçoivent. Ce faisant, ils refuseront également d’abdiquer leurs droits inaliénables : liberté de mouvement, liberté de consentement, liberté d’expression.


Pour le biopouvoir tyrannique actuel, le « bon citoyen » est celui qui se soumettra à la politique d’apartheid vaccinal. Il en obtiendra le signe, l’insigne, la marque, celle qui confèrera non plus des droits inaliénables révolus, mais quelques privilèges sur les autres, privilèges de voyager, d’aller au restaurant… autant de privilèges qui pourront être supprimés selon l’arbitraire des Princes.


Depuis Jean-Jacques Rousseau, ce qui fonde le contrat social est l’égalité de droits des citoyens. Avec le passeport vaccinal, on assistera à un changement de paradigme sociétal avec l’introduction d’une inégalité de droits par principe, fondée sur l’obéissance et la compliance à la vaccination, subordonnant et conditionnant la liberté civile.


Le contrat social sera donc caduc, et en perdant sa liberté civile, le citoyen perdra la protection de sa vie intime et de tout ce qui la constitue.


De plus, les temps totalitaires sont toujours propices à laisser émerger la part sombre que l’on refoule en temps ordinaire. Par exemple, parmi les « bons citoyens », ceux qui soutiennent la certitude délirante du « vaccin sauveur » pourraient être tentés d’incriminer les « mauvais » citoyens, et devenir tout à la fois juges, policiers et vengeurs du pouvoir en place. Il y en a toujours pour faire du zèle dans ces cas-là.


Peu importe que le mensonge soit le ciment de la « nouvelle normalité » depuis un an.

Peu importent, finalement, les promesses non tenues, les discours déconnectés de la réalité ; peu importe la croyance délirante qu’il « faut éradiquer le virus », ou encore que « l’humanité est en grave danger ». Il s’agit, sur la base du mensonge dominant, d’éradiquer le sujet humain interagissant avec le monde, un sujet créatif, imprévisible, désirant, parlant, possédant un corps ; il s’agit de le réduire à une conception mécanique du corps : un corps potentiellement malade sous l’attaque d’un virus qui lui est étranger. Rien n’est plus faux, sur le plan biologique, que de considérer un « virus » comme un corps « étranger » à soi-même, sans embraser une pensée complexe d’interactions du virus (non-soi) avec son terrain et son système immunitaire. L’humain alors réduit à un corps mécanique inerte, à des fonctions vitales minimalistes, qui se corrompt par un ennemi invisible extérieur à soi, telle est la conception politique actuelle agissant sur nos forces vives et notre humanité.


Cette haine et cette phobie du vivant s’illustrent dans la prohibition de nos mouvements, mais aussi désormais de nos paroles et de nos chants (cf. l’interdiction de chanter dans les crèches[1], l’encouragement à se taire dans le métro[2], l’interdiction d’accéder à des espaces de nature avec les confinements et couvre-feux).


Concernant la politique vaccinale elle-même, nul n’ignore qu’elle est en soi une vaste expérimentation à grande échelle.

En clair, nous êtres humains servons d’objets d’expérimentation.

Comment l’être humain, qui est en soi un sujet et une fin, pourrait-il « consentir » à devenir un objet et un moyen ?

Le paradoxe est dans la proposition, et il n’est pas tenable.


En outre, cette politique de vaccination vise les personnes fragiles en priorité. Et nous voyons se dessiner, derrière cette stigmatisation entre les « bons » et les « mauvais » citoyens, une autre stigmatisation, celle du capitalisme sauvage, pour qui l’être humain est réduit à un corps marchand : corps qui produit de la marchandise ou corps qui coûte de l’argent, corps travaillant ou corps oisif.


L’idéologie de l’oisiveté et de la paresse est en filigrane : a-t-on le droit d’être essentiels mais non utiles au système capitaliste marchand ? Le pouvoir confond délibérément les termes.


Les artistes, les restaurateurs, les gens de la culture seraient inessentiels.

Or, ils nous parlent de notre essence, et précisément, un plat mangé au restaurant n’est pas un plat mangé chez soi, il y a ce « supplément d’âme » qui nous humanise.

Une pièce de théâtre ne sert à rien, mais elle nous renvoie au tragique ou au comique de la vie humaine, et nous ramène toujours à des questions métaphysiques.

Pourquoi donc ceci serait-il désormais de seconde zone ?

N’est-ce pas en temps de crise que nous aurions le plus besoin de nous rapprocher, de penser et de consolider notre lien social ?


Le pouvoir totalitaire déroule désormais le catalogue : outre les obéissants (qui consomment) et les désobéissants (qui refusent d’être réduits au statut de consommateurs), il y a désormais les utiles (capacité de travail productive) et les inutiles.


Qui est légitime pour décider quels êtres humains ont le droit ou non de vivre, de consommer, d’être protégés par le système ou d’être ostracisés ?

Dans les valeurs humaines, poser une telle question est-ce pensable ?


Avec cette confusion idéologique, où les valeurs du contrat social sont cassées, c’est la maltraitance qui prime. Les enfants sont traités comme des adultes, les populations vulnérables (entre autres, les pauvres) subissent le sadisme désormais autorisé.


La logique de division est poussée à son comble : ceux dont on doit protéger la santé, et ceux qui sont sacrifiés sur l’autel de la santé.

Ces derniers, s’ils se plaignent, seront d’ailleurs traités d’égoïstes, enfin pourquoi se plaindre de ne plus pouvoir assurer sa subsistance économique ?

De ne plus pouvoir exercer le métier que l’on aime ?

D’être traités de citoyens de seconde zone ?

Une telle logique de division du corps social est-elle concevable ?

N’y a-t-il par une erreur profonde de paradigme ?


La rue, qui appartient au peuple, est désertée et devenue la propriété de l’Etat policier.


En définitive, comment expliquer que des populations angoissées s’en remettent, pour retrouver leur sentiment de sécurité, à des politiques intrusives, arbitraires, transgressives autrement que par un mécanisme similaire à celui des violences conjugales à savoir, la répétition traumatique ? C’est l’éternelle question du psychisme des masses, de même que celle, encore bien obscure, des mécanismes d’entrée dans la contagion délirante ou encore les conditions de sortie du déni.


La logique paranoïaque sous-tendant les modes d’exercice du pouvoir totalitaire étant concentrationnaire, il est probable que la stigmatisation clivante des bons (obéissants) et des mauvais (désobéissants) citoyens ne s’arrête pas en si bon chemin.


La résistance est indispensable, car nul ne sera épargné par l'arbitraire, comme le note Hannah Arendt, dans Les origines du totalitarisme (1951) : « dans les conditions qui sont celles du totalitarisme, la terreur ne se contente pas de survivre à toute opposition politique témoignée à celui qui dirige, elle s’accroît après qu’une persécution particulièrement impitoyable a liquidé tous les ennemis réels et potentiels. La crainte devient sans objet lorsque le choix des victimes se trouve entièrement libéré de tout rapport avec les pensées ou les actions des individus. »



Ariane Bilheran, normalienne (Ulm), psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie

Michel Rosenzweig, philosophe et psychanalyste



[1] https://lesprosdelapetiteenfance.fr/covid-19-le-chant-est-interdit-dans-les-creches-suisses [2] https://www.francebleu.fr/infos/transports/covid-19-l-academie-de-medecine-recommande-de-se-taire-dans-le-metro-1611344303




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