J'ai le plaisir de vous informer que j'ai accepté de rejoindre, à son aimable invitation, le comité de rédaction de l'éminente revue bi-annuelle des Cahiers de psychologie politique, dont la qualité des travaux et l'ancienneté ne sont plus à démontrer. Les prochains numéros 47 et 48 porteront sur la "Psychologie politique de l'Intelligence Artificielle" (cf. synopsis infra).
La revue reste attachée à son caractère interdisciplinaire: sociologie, linguistique, psychogie, psychanalyse, histoire, sciences politiques, droit, économie, ethnologie et anthropologie essentiellement.
Les Cahiers de psychologie politique
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APPEL A COMMUNICATION
pour les numéros 47 et 48
de juillet 2025 et janvier 2026
Psychologie politique de
l’Intelligence Artificielle
Parce que l’IA fascine et que tout se dit sur sa puissance, ses promesses, sa révolution anthropologique à la façon d’une dystopie ou d’une mythologie nouvelle, comment ne pas s’intéresser à elle, non dans sa technicité, mais sous plusieurs aspects que nous proposons à votre sagacité.
1. Aspects littéraires, linguistiques et sémiotiques
Il s’agit d’un oxymore entre l’artifice et l’intelligence, comme la douce violence de Christine Schuhl, l’obscure clarté de Corneille ou le fameux silence assourdissant de Camus. La figure de rhétorique est contradictoire, provocation ou recherche d’une coïncidence des opposées? Elle défie le principe de cohérence, au profit d’une dialectique des contraires.
Linguistes, sémiologues et logiciens ont des choses à nous dire sur cette rencontre de l’intelligence et de son artifice avec la réduction de l’une à l’autre et le projet ou fantasme de triompher de la nature par l’artifice de son intelligence. Le terme a une histoire, des avatars, des échecs, des promesses et un narratif instillant volonté, libre choix, autonomie de l’IA, qui méritent un déchiffrage, un décryptage.
2. Aspects scientifiques, méthodologiques et éthiques
Les solutions d’analyse du langage ou de diagnostic médical par exemple viennent soutenir, suppléer, voire se substituer aux décisions savantes ou aux travaux de recherche. Les chercheurs et experts ont-ils encore une place et ces solutions ne risquent-elles pas d’oublier, d’évacuer même, les études littéraires sur les arrière-plans et le non-dit qui se cache dans le texte ou d’amoindrir l’esprit critique et les connaissances dans des domaines trop prescrits par les prédictions des IA? Ces nouvelles habitudes ne peuvent-elles pas appauvrir la compréhension des résultats artificiels, faisant du savant le contrôleur des productions intellectuelles de l’I.A.?
Les algorithmes sont le fruit d’un travail scientifique, neutre et objectif pour calculer des résultats nous dit-on. Ils sont toutefois produits par des humains, plein de préjugés et situés dans une histoire, avec leurs critères qui sont autant d’arbitraires potentiels. Ce problème des biais méthodologiques rend tout calcul subjectif et interrogeable sur le plan de l’éthique de ses résultats.
Or, les stratégies actuelles écartent les usagers, consommateurs et citoyens. Pourtant, pensons à la police prédictive des crimes et délits pour arrêter et enfermer des hypothétiques coupables dénoncés par la prédiction!
Scientifiques, juristes et éthiciens ont ici matière à étudier ce rapport à la construction des systèmes d’IA.
3. Aspects psychopathologique, psycho-sociaux et psychanalytiques
L’intelligence artificielle propose des solutions grand public comme ChatGPT, des automates et robots qui se substituent à l’intelligence humaine et à son travail. Depuis le triomphe en 2011de Watson d’IBM au jeu Jeopardy et du succès en 2016 de la solution de Deep Mind AlphaGo 4 parties à 1 face au Sud-Coréen Lee Sedol, 3e meilleur joueur de Go au monde, la communication autour de l’IA tente de démontrer la supériorité de la machine sur l’humain. Il y a une sorte d’humiliation, une stratégie d’intimidation, de déstabilisation et de discrédit, puis d’inversion d’une machine humanisée et d’une humanité machinisée.
Psycho-sociologues, théoriciens de la communication et des manipulations de masse, historiens et psychanalystes ont un terrain d’étude sur ce qui se joue dans cette stratégie de disqualification d’un homme exposé à son obsolescence, pour qu’il renonce à exercer son sens critique, se croyant inférieur à la machine. Et si l’erreur, qui est bien humaine, était une source véritable de développement et de créativité!
4. Aspects économiques, sociaux et environnementaux
Les investissements massifs en centaines de milliards témoignent de sa valeur économique pour les entreprises technologiques et commerciales. L’objectif de libérer l’homme de multiples tâches à faible valeur ajoutée ou de le remplacer là où il manque dans des relations de service de toute sorte confirme ce qu’annonçait déjà en 1945 le fondateur de la cybernétique, N. Wiener: un chômage de masse inédit. L’actualité récente dévoile aussi le coût énergétique et écologique prohibitif et exponentiel d’une augmentation de la puissance de l’IA, énergétivore et polluante.
Economistes, écologistes, philosophes et politistes critiques ont matière à éclairer ce qui est souvent présenté comme l’inévitable progrès technique: inexorable et fatal induisant un : se taire et se soumettre bien connu; alors que l’IA est une industrie avec ses externalités négatives et des risques mal évalués.
5. Aspects politiques et militaires
La pression d’une société de surveillance et du contrôle de toutes les données conditionnant les libertés individuelles relèvent d’une ingénierie sociale, voire d’une ambition de crédit social généralisé, activé par les peurs et le désir de protection ou la sécurité. Quid de la part de fantasme quant aux réalités technologiques futures dans une robotisation congédiant, dit-on des millions de travailleurs inutiles et de cette quête ou chantage à l’«humanoïdisation» annoncé par quelques transhumanistes, dont les militaires semblent aussi s’emparer dans une logique de futures guerres des robots et de contrôle des populations. Les libertés individuelles sont manifestement en jeu, avec des solutions d’IA contrôlant les faits et gestes de chacun. Politistes, géopoliticiens, stratèges ont matière à exposer les recherches et les projets.
Toutes les propositions de contribution sont à envoyer à papontoizeau@gmail.com.
Elles seront examinées par le comité. Veillez à bien respecter les normes de rédaction.
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Les Cahiers de psychologie politique sont une revue inter-disciplinaire des sciences humaines de réflexion et de recherche. Revue généraliste, ouverte et transversale, au sein d'un espace universitaire rigoureuse, c'est aussi un véhicule en langue française (mais ouverte à d’autres), dans le but d'informer et de brasser les idées par-delà les frontières mentales et géographiques, afin de mieux comprendre les controverses anciennes qui sont de retour dans la problématique sociétale actuelle. Cette revue n'évite pas les questions d'exception. Plusieurs chantiers transdisciplinaires nouveaux se sont (ré)ouverts ces derniers temps, notamment : la mémoire collective, le discours politique et les médias, le leadership charismatique, le néo-populisme, le machiavélisme et la démocratie représentative, les troubles sociaux (crises et révolutions), les préjugés raciaux, la guerre et toutes ses manifestations symboliques, la propagande et les discours idéologiques. Bien d'autres se développent pas à pas: la citoyenneté, la justice, la corruption, les femmes en politique, la participation, les stratégies identitaires, les religions, le nationalisme, etc.