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Se sentir en sécurité en entreprise

Dernière mise à jour : 6 juil.

29 septembre 2014


Comment se protéger de la peur, de l’anxiété et du stress en entreprise…[1]



Le sentiment de sécurité intérieure est, pour tout être humain, fragile. Il se définit par un territoire intime inviolable, sacré, qui œuvre comme un nid émotionnel où vous pouvez vous réfugier, quand bien même tout autour de soi chercherait à vous nuire et vous agresser. Tout le monde ne part pas avec les mêmes chances en la matière. Selon votre chemin de vie, votre histoire, ce sentiment de sécurité intérieure aura pu être mis à l’épreuve, n’aura parfois même pas pu se construire dans sa totalité, vous laissant dans l’angoisse quotidienne des événements. Dans ce cas, il convient d’être d’autant plus vigilant à préserver ou restaurer son intégrité émotionnelle.


Dans l’entreprise, ce sentiment de sécurité intérieure est rudement mis à mal : réunions stressantes, open space où votre intime cohabite avec l’intime des autres, travail en urgence, pendant les vacances et le week-end, évaluations de performance… Le bruit, les sollicitations intempestives, l’anxiété sur la réussite des projets, les conflits au sein d’une équipe, sans parler des situations plus graves de violences ou de harcèlements, érodent nos ressources psychiques et créent des failles dans notre sentiment de sécurité intérieure.


L’enjeu psychique du collaborateur en entreprise – et j’inclus dans ce terme tous les niveaux de hiérarchie, jusqu’à l’entrepreneur -, consiste à préserver son intégrité émotionnelle et son espace de sécurité intérieure, alors que les circonstances extérieures vous incitent à ressentir toujours davantage d’insécurité : crise économique, exigences accrues de performance, concurrence exacerbée, etc. La suite du scenario est classique : l’individu qui n’aura pas su réguler ce stress, c’est-à-dire, étymologiquement, ce qui vient l’étrangler (du verbe « stringere », en latin) dans son travail, aura érodé tout sentiment de sécurité intérieure, ce qui le conduira au… burn-out.


Qu’est-ce que le burn-out ?

Le burn-out caractérise un état d’épuisement physique et psychique, manifesté par une saturation émotionnelle vis-à-vis d’autrui, un désinvestissement de la relation, une diminution du sentiment d’épanouissement au travail (tendance à l’auto-dévalorisation). Il survient à l’issue d’un stress chronique et durable que l’individu n’est plus en situation de réguler. Les vécus émotionnels éprouvés dans la réalisation de l’activité de travail sont systématiquement invasifs et négatifs, ce qui entraîne une érosion des ressources psychiques et physiques du sujet (fatigue psychique, angoisse, ruminations, phobies, usure, idées dépressives etc.) ainsi que des stratégies de compensation pour faire face à cette surcharge (addictions, médicaments, excitants etc.).

Bien sûr, il existe de nombreux facteurs organisationnels qui sont source de souffrance au travail. Le propos de cet article n’est pas de contredire ces facteurs systémiques mais de revenir cette fois à l’individu, qui participe au système. En somme, comment, à votre tout petit niveau, pouvez-vous agir au quotidien pour, précisément, ne pas subir un système pathogène ni être instrumentalisé(e) par les violences psychiques qui traversent l’entreprise ?

Commençons par un constat. Beaucoup de personnes sombrent dans le burn-out pour deux raisons majeures. La première : elles ont un idéal professionnel très élevé et cherchent par là-même à satisfaire toutes les exigences imposées. La seconde : cet idéal professionnel cache souvent une anxiété fondamentale d’être exclu(e), rejeté(e), mal aimé(e), autrement dit, de perdre son travail, qui représente une inscription sociale majeure au sein du collectif.


De quoi dois-je avoir peur ?

Aujourd’hui, les personnes sont enserrées dans des peurs diverses. La peur de perdre son travail en temps de crise peut les conduire à se taire face à des situations avec lesquelles elles sont en désaccord, à subir des maltraitances quotidiennes, à s’ennuyer ou souffrir dans un emploi qui ne fait pas d’autre sens pour elles que d’être « alimentaire ». Ces peurs sont autant de freins à la réalisation de l’être.


En réalité, nous devrions plutôt avoir peur de ne pas être dans l’expansion de notre être, de ne pas nous épanouir dans ce à quoi nous aspirons, en cohérence avec nos valeurs. La vie d’un être humain est courte, et il existe, en somme, un devoir éthique vis-à-vis de nous-même à être en recherche de ce déploiement de notre nature profonde. La plupart des personnes ne se pose désormais plus la question, comme s’il était « normal » de ne pas se réaliser, de ne pas avoir de plaisir dans son travail, de ne pas y trouver du sens, de ne pas aller à l’endroit de son désir. Cette résignation est effroyable.

Le travail psychique sur le sentiment de sécurité intérieure, sur cet espace de sérénité que nul ne peut venir vous prendre, est le premier pas vers une autre façon d’être au monde, où vous seriez libéré(e) de ces peurs diffusent qui inhibent l’action comme le désir au quotidien.


Quelques pistes de prévention du burn out

Les exercices d’augmentation du sentiment de sécurité intérieure [2] sont simples, sans autre ambition que de modifier subtilement le rapport à soi-même, pourvu qu’ils soient pratiqués régulièrement. Ils visent à « prendre la météo interne », à se dégager d’émotions trop négatives, à revenir à soi en récupérant quelques parcelles de son espace intérieur. Ils ne remplacent évidemment pas une thérapie en cas de choc traumatique par exemple, mais contribuent, s’ils sont pratiqués avec discipline, à améliorer considérablement votre « tissu » émotionnel. Ils ont une vocation préventive, mais peuvent être convoqués lors de moments plus tendus au sein de l’entreprise. Sans présenter l’intégralité des exercices disponibles, voici quelques pistes.


· Identifier les zones d’inconfort et de souffrance

Apprendre à observer ses zones d’inconfort, à les analyser, à leur donner un sens qui parle à soi, est la première étape vers une récupération du pouvoir sur soi. Prendre le temps d’identifier l’existence d’un malaise, et son origine (depuis quand le malaise existe etc.) est important. Rappelons simplement que le corps est relié à l’esprit, et que les souffrances du corps disent quelque chose des souffrances de l’esprit.


Recueillement

Quel que soit le lieu où vous vous trouvez, prenez toujours soin de trouver des moments seul(e) avec vous-même, de recueillement interne, sans aucune sollicitation extérieure (couper le téléphone etc.). Fermez les yeux et ressentez votre « météo intérieure ».


· Savoir dire non

Pour sécuriser un territoire, il faut délimiter son espace : cela nécessite de poser des limites, de se séparer des autres, d’affirmer des refus. Ayez à l’esprit que votre intériorité ressemble à un magnifique château que vous aurez aménagé comme bon vous semble. Si quelqu’un souhaite entrer sans votre réel consentement, s’il tente de se frayer, de façon plus ou moins habile, un passage, déclinez d’abord poliment son entrée. S’il force davantage, sortez gardes, armures, et soyez plus ferme. S’il force encore, claquez-lui la porte au nez. Car si vous avez ouvert la porte de votre château à une personne qui souhaite vous contraindre, il sera beaucoup plus difficile de la faire sortir de votre territoire que si elle n’était jamais parvenue à y entrer.


· Refuser l’invasion

Créer un territoire personnel suppose donc que ce territoire ne soit pas systématiquement envahi par autrui. Tout d’abord, pour apprendre à dire non, il faut d’abord connaître ce qui vous convient ou non… Si vous êtes toujours dans la confusion et ignorez ce qui vous convient réellement, vous serez toujours un objet entre les mains d’autrui qui n’aura de cesse de vous persuader (et d’y parvenir !) qu’il sait mieux que vous… ce qui est bon pour vous. Grave erreur, que de laisser ainsi entre les mains d’autrui une capacité décisionnaire à votre encontre !

Dans tous les cas, prenez toujours un temps de réflexion, pour différer une réponse ou examiner une injonction qui vous serait ainsi posée. Demandez-vous si cela vous convient vraiment, préparez une réponse qui soit authentique et juste envers vous-même, quitte à l’écrire. Les refus sont toujours difficiles car ils impliquent souvent le risque de déplaire. Vos meilleurs ennemis sont, comme toujours, en vous-même : excès d’empathie, sentiment de devoir vous rendre utile pour exister, crainte de déplaire, d’être abandonné(e), d’être seul(e), de se sentir coupable…


Exercer sa vigilance

Nos vies quotidiennes ne cessent de nous décentrer. Lorsque vous rentrez le soir chez vous, pensez à prendre quelques minutes pour évaluer à quel point vous avez été mis « hors de vous ».


Votre territoire

Vérifiez que ce territoire existe bel et bien en temps et en espace dans votre vie privée et dans votre vie professionnelle : avez-vous des moments uniquement pour vous dans votre journée ? Avez-vous un espace pour vous au sein de votre espace familial (un bureau, quelques mètres carrés…) et professionnel (votre bureau, votre voiture…) ? Les exercices d’intériorité et de sécurité intérieure peuvent se pratiquer au cœur d’une prison, pourvu que votre espace sensoriel ne soit pas saturé et que vous puissiez avoir quelques moments pour porter votre attention sur vos sensations, votre espace intérieur. Quand bien même vous ne posséderiez plus votre territoire, souvenez-vous que le seul territoire dont vous devez assurer l’inviolabilité et sinon la réparation, l’aménagement, la sécurité, est interne, à savoir : votre territoire psychique, émotionnel, spirituel.


Conclusion

Pour prévenir le burn-out, faisons un petit rappel de bon sens : ne consacrez pas toute votre vie à l’entreprise. En cas de coup dur et de vulnérabilité sur l’entreprise, vous serez le(la) premier(e) exposé(e), ce qui se vérifie au regard de l’ampleur des suicides chez les petits entrepreneurs.

Apprenez à réguler le stress, par des exercices d’intériorité, par des coupures nettes et franches avec le travail, même de quelques heures (surtout dans notre société où s’entretient une confusion entre priorités et urgences).


Si la situation que vous vivez est une épreuve de vie, il n’est pas utile de vous accabler davantage dans la tristesse, la colère ou la peur. Au contraire, fortifier sa foi et sa joie sont des ressources puissantes pour faire face aux douleurs de vie que chacun rencontre à un moment donné de son existence, avec des modalités différentes. Apprenez à trouver les forces en vous pour tenir dans la tempête : le sens des épreuves proposées par la vie se niche dans ce défi intérieur. Et surtout, travaillez à déployer la beauté en vous-même :


« Puis il faut voir l’âme de ceux qui accomplissent de belles œuvres. Comment peut-on voir cette beauté de l’âme bonne ? Reviens en toi-même et regarde : si tu ne vois pas encore la beauté en toi, fais comme le sculpteur d’une statue qui doit devenir belle ; il enlève une partie, il gratte, il polit, il essuie jusqu’à ce qu’il dégage de belles lignes dans le marbre ; comme lui, enlève le superflu, redresse ce qui est oblique, nettoie ce qui est sombre pour le rendre brillant, et ne cesse pas de sculpter ta propre statue, jusqu’à ce que l’éclat divin de la vertu se manifeste, jusqu’à ce que tu voies la tempérance siégeant sur un trône sacré. Es-tu devenu cela ? Est-ce que tu vois cela ? » [3]

Notes

[1] In Revue des Centraliens.

[2] Pour découvrir l’intégralité des exercices proposés, je vous renvoie à mon livre Se sentir en sécurité, paru en 2013, ainsi qu’aux exercices en téléchargement gracieux sur internet (cf. infra).

[3] Plotin, Ennéades, livre I, Paris, Les Belles Lettres, 2009.


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