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Spiritualistes et matérialistes : un antagonisme suranné ?

Dernière mise à jour : 8 juil.

Il est un vieil antagonisme philosophique qui, loin d’être résolu, se manifeste aujourd’hui à son apogée, sans même que l’on ne puisse plus désormais le nommer : l’antagonisme entre spiritualistes et matérialistes.


Les matérialistes nient l’esprit au profit de la matière, réduisent l’humain à une somme de processus physiques et neuronaux, prônent une relativité de toute chose, estiment que la matière précède la pensée, et défendent une conception mécaniste et déterministe du vivant.

Le matérialiste ne croit qu’à ce qu’il voit. Tout est primat de la sensation.

« Je n’ai jamais vu un phallus », dira un universitaire matérialiste lors d’une soutenance de thèse pour railler la psychanalyse. Il n’aura vu que des pénis (a priori au moins le sien), mais n’aura pas vu le symbole du phallus. Puisqu’il ne l’aura pas vu, il ne l’entendra pas.

Le matérialiste verra dans le drapeau trois couleurs, et non le symbole de la nation.

Telle est sa logique.


Ainsi, les matérialistes sont ceux qui estiment que l’on peut prédire le crime, que l’on peut contrôler l’humain qui n’est qu’une machine comme une autre, prédictible dans ses comportements, remplaçable et manipulable. Ils nient l’esprit, l’âme, la dimension transcendante de l’être humain, mais aussi sa voie morale et sa liberté. La morale serait pensée en termes d’utilitarisme, il serait plus utile d’avoir un comportement vertueux que le contraire, or rien n’est moins sûr si l’on pense en termes d’utilité non ? C’est-à-dire en termes d’outils, d’instruments. Pour le matérialiste, la fin justifiera les moyens.


Au-delà de ce qui m’apparaît personnellement comme une profonde stérilité des débats, et l’évacuation de la dimension morale par le caractère relatif et sophistique auquel conduit nécessairement le matérialisme, ce dernier me paraît extrêmement dangereux pour l’avenir de l’humanité. Car la fin y justifie les moyens, et la conception étriquée, réduite de l’humain à une machine est la voie ouverte à ceux qui glorifient le transhumanisme, c’est-à-dire, ni plus ni moins que la fusion de l’humain avec la machine, en somme sa réduction à une machine.


Les spiritualistes conçoivent la supériorité et l’antériorité de l’esprit sur la matière.

Le spiritualiste croit à ce qu’il ne voit pas.

Il estime les sens trompeurs et que, précisément tout ce que l’on voit est illusion.

Il invoque l’esprit, l’idée, l’essence, la divinité, l’âme, la volonté.

L’essence précède l’existence, les parcours de vie ont un sens, et les vérités, comme la beauté et l’harmonie, sont absolues, éternelles, universelles, transcendantes.

Parmi les spiritualistes, l’on rencontrera Platon, Aristote et son traité De l’âme, Pythagore, Plotin, Hegel, Bergson, mais aussi Hippocrate et tous les grecs anciens.


Chez les spiritualistes, il y a le primat de l’esprit, chez les matérialistes, celui de la matière.

Inutile de dire que pour des psychologues matérialistes (bel oxymore), l’âme n’existe pas, l’humain se réduit à un comportement, ce qui conduit à se demander pourquoi même ils font de la psychologie, laquelle, étymologiquement, est strictement « science de l’âme » !

Les psychologues spiritualistes (tautologie…) sont attentifs au chant de l’âme, aux émotions (qui ne sont pas réduites à des éprouvés), à la souffrance comme dimension métaphysique du malaise, pour une âme, d’être incarnée dans un corps avec ses imperfections, dans des contraintes temporelles et terrestres.

Comme l’humain ne se réduit pas, pour eux, à un comportement, ils entendent la mémoire traumatique, l’histoire de l’âme dans son parcours de vie, ses blessures, ses hontes, ses regrets, ses remords, sa nostalgie de son origine parfaite et absolue, ses aspirations hautes. Ils défendent l’idée du libre-arbitre et de la conscience, celle d’une auto-organisation du vivant, d’une harmonie géométrique, et d’une intelligence de la nature.

Pythagore était spiritualiste, et c’est de ce spiritualisme qu’il a pu approfondir le sens caché des choses, la géométrie comme science parfaite et expression de l’harmonie divine.

Les matérialistes évacuent toute question du sens, toute dimension métaphysique (qui, précisément, est au-delà de la physique), sur le sens de l’existence. Ils pratiquent la « science sans conscience » puisque la conscience est réduite à une affaire utilitaire. L’humain est utilitaire : consommable, achetable, vendable, prostituable. Et comment ne pas s’étonner que tous ces matérialistes (y compris des pseudo psys) qui nient la vie psychique soient en même temps nos détracteurs lorsque nous alertons sur la protection de l’enfance (c’est-à-dire, sur l’enfance réduite à un objet consommable soumis à des pulsions sadiques) ? (cf. les répercussions du livre Danger en Protection de l’Enfance).


Précisément, il faut se positionner dans ce choix.

C’est un pari, au sens pascalien du terme.


« — Examinons donc ce point, et disons : « Dieu est, ou il n'est pas. » Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n'y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu, à l'extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagerez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre ; par raison, vous ne pouvez défaire nul des deux. Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix ; car vous n'en savez rien. — Non, mais je les blâmerai d'avoir fait, non ce choix, mais un choix ; car, encore que celui qui prend croix et l'autre soient en pareille faute, ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier. — Oui, mais il faut parier ; cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué. Lequel prendrez-vous donc ? Voyons. Puisqu'il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. (...). Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. » Pascal, Pensées

Que vaut-il mieux ? Parier sur le matérialisme ou parier sur le spiritualisme ?

Si l’on pose l’hypothèse matérialiste que l’humain fonctionne comme une machine, déterminée, alors il doit être géré comme une machine, laquelle, si elle n’est plus utile, sera à débrancher. C’est bien ce qui est en gestation, avec les projets transhumanistes, qui envisagent de pucer l’être humain et d’en faire une ressource énergétique plus ou moins asservie au projet de prédation capitaliste, en abrasant tout désir de sens.


Si l’on pose l’hypothèse spiritualiste, alors l’âme étant immortelle parcourt son évolution de retour vers la source (cf. Platon) et est pleinement libre de ses choix au sein de la matière, quand bien même cette dernière tenterait de la lier et de l’aliéner. La métempsycose des pythagoriciens, également présente dans les religions monothéistes (cf. Enquête sur la réincarnation, collectif sous la direction de Patrice Van Eersel, Albin Michel, 2001), et la Perse antique, civilisation hautement plus évoluée que la nôtre à tous points de vue, parle ainsi de la transcendance qui préside aux incarnations, mais aussi de l’impermanence de la matière (sempiternellement vouée à la destruction) face à la permanence du monde intelligible (la beauté, la vertu, la justice, la bonté, l’harmonie sont éternelles dans leur essence).


« Ils disent que l’âme de l’homme est immortelle, et que tantôt elle s’échappe, ce qu’on appelle mourir, et tantôt reparaît, mais qu’elle ne périt jamais […] Donc, puisque l’âme est immortelle et qu’elle a vécu plusieurs vies, et qu’elle a vu tout ce qui se passe ici et dans l’Hadès [l'au-delà], il n’est rien qu’elle n’ait appris. Aussi n’est-il pas du tout surprenant que, sur la vertu et sur le reste, elle puisse se souvenir de ce qu’elle a vu auparavant. Comme tout se tient dans la nature et que l’âme a tout appris, rien n’empêche qu’en se rappelant une seule chose, ce que les hommes appellent apprendre, elle ne retrouve d’elle-même toutes les autres, pourvu qu’elle soit courageuse et ne se lasse pas de chercher ; car chercher et apprendre n’est autre chose que se ressouvenir. […] il n’y a pas d’enseignement, mais des réminiscences. » Platon, Ménon, 81a-82b.

Pour les matérialistes tout est asservi à l’utilité, ainsi qu’à l’immanence de la matière : Diderot, La Mettrie, Darwin, furent matérialistes.


Pour la spiritualiste que je suis, l’essence humaine est dans l’inutilité : l’élégance, le charme, la poésie, le rêve, la contemplation, l’amour, l’empathie, la vertu, la beauté, le mystère… Tout ce qui échappe au domaine techniciste et utilitariste est humain. Le reste est purement mécanique.


Le matérialisme nie la souffrance animale, considère la planète comme des ressources énergétiques à pomper, n’a aucune gratitude ni reconnaissance envers le miracle de la nature puisque, précisément, il n’y a pas de miracle de l’esprit. « L’homme est un loup pour l’homme », telle est la conception matérialiste défendue par Hobbes, et c’est ainsi qu’il conviendra de l’assujettir à un totalitarisme : le Léviathan.


Que se passe-t-il, comme c’est le cas actuellement, lorsque l’on cherche à tout prix à déconnecter l’humain de sa dimension spirituelle, lorsque la psychologie, science de l’âme, nie ce dont même elle est la science, en réduisant l’humain à une machine et à un comportement ? Il se passe une régression majeure en termes politiques, le peuple se noie dans une masse, et finit par chercher une idole bas de gamme, un leader paranoïaque qui donnera du sens délirant par ses interprétations et sa suprématie politique.


Marx était matérialiste pur et dur. C’est en cela que le marxisme rejoint le capitalisme, car tous deux sont des matérialismes. Et tous deux ont engendré des totalitarismes. L’antagonisme ne l’a été que de façade. Et Sartre, pour qui « l’existence précède l’essence », s’est malheureusement illustré dans le soutien, jusqu’au déni, de régimes totalitaires, à l’inverse de Camus, davantage spiritualiste.


Tous les chercheurs et praticiens de la psychologie devraient être au fait de cet antagonisme, au regard des conséquences d’un tel débat.

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait Rabelais, la conscience étant la messagère de l’âme.


Il est fini le temps où l’on pouvait aménager des « compromis » face aux périls actuels, où l’on pouvait se dire que ce n’est pas trop grave, si l’on n’a pas trop gravement fauté, si l’on a fermé les yeux sur ceci ou cela…


Car chaque pensée, chaque intention, chaque parole, chaque silence, chaque acte désormais comptent, en ce temps de bascule où résister devient une question de survie de la planète et de l’humanité dans sa forme noble, essentielle, civilisée.


Tel est l’enjeu de ce débat, et il est de taille.


Il fut un temps où l’on controversait pour savoir si les Indiens avaient oui ou non une âme (cf. la Controverse de Valladolid). Aujourd’hui, nous sommes traités (et nous nous traitons) tous comme si nous n’en avions pas.


En conclusion, si l’on suit le matérialisme, si l’on réduit l’humain à une somme de comportements, à une programmation mentale et neurologique, en faisant fi de cette dimension de l’âme, l’avenir est le suivant : transhumanisme (= sortie de l’humanité), fusion de l’homme avec la machine, instrumentalisation parfaite de l’humain sous l’ambition paranoïaque accompagnée de la logistique perverse, profit de quelques-uns et aliénation de la majorité, destruction de la planète (l’intelligence divine de la nature et son esprit sacré ne seront pas reconnus donc seront soumis à prédation, possession, rapt et démolition).


Si l’on réintègre cette dimension de l’âme, c’est-à-dire la dimension sacrée de l’humain, y compris dans ses choix d’incarnation, l’avenir est le suivant : retour à la nature, à l’énergie spirituelle, vibration singulière, harmonie, art, intime, pouvoir créateur.


Quel est le rôle de la psychologie digne de ce nom là-dedans ?


« Psychologie » signifie « science de l’âme ».

Science de l’âme, et non science de l’esprit, et non science des pulsions etc.


« Psychothérapie » signifie « guérison de l’âme ».


La thérapie est un colloque intime, singulier, avec son âme. La souffrance est toujours celle d’une âme qui ne trouve pas sa place ni sa réalisation dans ce monde, qui est obligée de se plier à une temporalité, un rythme, une brutalité, une stupidité, une violence et une absurdité généralisées, et se dissocie de ce qu’elle aimerait faire, ce qu’elle est venue faire.


Une thérapie réussie est précisément la reconnexion de l’individu à l’intime de son âme, d’une manière telle qu’il ne puisse pas ne pas entendre cette urgence de se remettre dans son axe et de se respecter, vraiment enfin, ce qui suppose souvent diverses suppressions d’aliénations.

Alors, non seulement la vie privée est une liberté, mais l’écho de la parole de l’âme est sacré, et doit redevenir prioritaire, essentiel, urgent, à l’heure où il est précisément question, pour tous les matérialistes esclavagistes de ce monde, de couper à la racine cette essence humaine, par diverses manipulations scientifiques folles, sans conscience, et par une idéologie transhumaniste qui ne vise qu’à supprimer l’humanité de l’humain pour le réduire en réservoir énergétique.


Que l’on ne s’étonne pas que les sociétés occidentales en soient rendues à un tel degré de souffrance, mais il est maintenant temps pour chacun de voir comment s’en libérer et avoir le courage de voir tout comme de refuser cette aliénation matérialiste.


Quelques pistes :

Bergson, H. L’énergie spirituelle

Plotin, Ennéades

Platon, Phèdre

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